Dispositif technique et engagement personnel : deux clés de la construction de la confiance

Publié par Petrel le 06 mai 2012
Dégrader, Enchanter

Comme l’indique Vincent Mangetin, l’épisode du gâteau empoisonné d’Astérix et Cléopâtre met en scène deux éléments fondateurs de la confiance : l’intervention d’un dispositif technique et l’engagement personnel.
En résumé, Amonbofis envoie un gâteau empoisonné à la Reine des reines de la part des trois gaulois. Son objectif : détruire la confiance qu’elle a mis en eux pour assurer sa magnificence par la construction de son palais. Le goûteur de Cléopâtre s’empoisonne et les gaulois sont accusés d’avoir cherchés à supprimer la reine. Ils sont arrêtés et promis à un apéritif pour crocodiles sacrés. Grâce à la magie, Panoramix va renverser le cours de la défiance : histoire d’une double manipulation.

1ère étape : l’écrit comme preuve

Pour Cléopâtre, il n’y a pas de doute sur l’origine du gâteau, puisqu’un parchemin l’a authentifié. Les dénégations des gaulois n’y font rien. La manipulation d’Amonbofis fonctionne à merveille.

2ème étape :  l’état du goûteur prouve que le gâteau était empoisonné. On a fait appel à un tiers pour affronter l’inconnu : le gâteau était-il comestible ? A la vue de l’état du goûteur, Panoramix estime que le gâteau était bien empoisonné. Le dispositif mis en place par Cléopâtre a bien fonctionné. Il sait que dans cette situation, aucune parole ne fera changer d’avis Cléopâtre, d’autant qu’elle est sous l’emprise de l’émotion. Il adopte une position de repli. Le lecteur ne la comprend pas tout de suite, car, la solution se découvre en tournant la page de l’album.

 

 

 

 

 

 

3ème étape :  seul l’usage de la magie va permettre aux gaulois de s’en sortir.

Grâce à l’antidote, les gaulois vont pouvoir s’engager personnellement et montrer concrètement qu’il n’y a pas de nocivité, alors que c’est faux.

Panoramix va aussi faire en sorte de décrédibiliser la fiabilité du goûteur en suggérant qu’il n’est pas empoisonné mais simplement qu’il a une crise de foie.

4ème étape : Panoramix joue de sa position de sachant, un druide, pour retenir l’attention de Cléopâtre : « je crois même qu’il est très bon. » Si cela ne suffit pas à convaincre, cela permet de mettre en route le mécanisme de la preuve par ingestion.

5ème étape : on mange, avec l’équité que l’on connaît pour Obélix.

Et… rien ne se passe.

 

 

6ème étape : une première preuve par l’engagement personnel est révélée.

Pour autant, la reine apportait davantage de crédibilité à son goûteur qu’à ces gaulois qui ne lui sont guère proches.

 

 

7ème étape : Panoramix va faire sauter la croyance de Cléopâtre dans la fiabilité de son « dispositif technique ».
Ce dernier, à l’ingestion d’une potion, se sent immédiatement bien. La rapidité de sa guérison est preuve de sa défaillance. Si le poison était puissant, on ne guérira pas aussi vite. L’homme est donc défaillant. C’est un magnifique acte de manipulation.

Ainsi, grâce à ces deux faits, la défiance de Cléopâtre se transforme en confiance. D’où cet épilogue :

« Cléopâtre, reine menacée par des ennemis sournois créé un dispositif, celui du goûteur. Il teste pour elle les aliments et les boissons. Elle se fonde sur la transitivité de la confiance pour décidé de manger ou de rejeter le plat. La confiance dans la nourriture qu’elle absorbe passe par la confiance dans le goûteur ; ce dernier est à la fois individu et dispositif technique.  Le goûteur est congédié, puisqu’il a fait commettre une faute à celle qui se doit d’être infaillible. De fait, la reine ne remet pas en cause la bonne foi du goûteur mais bien sa fiabilité comme dispositif, son estomac n’étant pas digne de confiance « ,  explique Vincent Mangematin.

Au final, il s’agit bien là d’une vraie crise de foi.

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