Confiance et techniques d’engagement, appelées aussi techniques de manipulation

Publié par Petrel le 18 juillet 2012
Dégrader, Enchanter

A l’heure où le sujet de la crise de confiance fleurit dans la littérature consacrée au marketing, au 2.0, au management ou à la communication, le top livres management publié dans la revue L’Entreprise en page 12 du numéro 313 de juillet-août 2012 laisse songeur. Trois des huit livres des meilleures ventes font référence aux techniques d’engagement appelées aussi manipulation : « Les secrets de la manipulation efficace« , «  Comment obtenir ce que vous voulez » et « Petit guide de manipulation« . Ces trois ouvrages promettent d’obtenir de nos interlocuteurs tout ce que nous voulons. Aborder ce sujet sans citer le « père » de tous ces ouvrages, le « Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens » publié en 1987 serait une gageure. Quelle place prennent ces techniques dans la construction de la confiance inter-personnelle ?

Leur essor n’est-il pas justement le reflet du doute qui s’est établi dans la relation ? Je vous propose de cheminer quelques instants avec Marie-France Hirigoyen, psychiatre et psychanalyste, révélée au grand public grâce à son livre sur le harcèlement moral en 1998. Elle considère que ces techniques sont des outils qui peuvent être utilisés de façon plus ou moins honnête en s’appuyant sur des tendances naturelles des individus. « Selon le degré de liberté laissé à l’interlocuteur, ces manipulations pourront ou pas être considérées comme des violences morales. Ce qui fait la différence, c’est l’intentionnalité. »

« Pour manipuler quelqu’un, il faut d’abord séduire, établir avec lui un courant de sympathie et placer la relation sur un mode « intime » fondé sur un sentiment de confiance. On neutralise ainsi sa lucidité et on amoindrit ses résistances. (…) Les grands manipulateurs, s’ils maîtrisent la manipulation cognitive, excellent surtout dans la manipulation des affects. Il savent par intuition percevoir les aspirations de la personne ciblée, ses réticences, ses identifications. Ils rentrent alors en résonance avec ce qu’ils ont perçu d’elle, et comme des caméléons, se rendent conformes à ce qui peut convenir à l’autre dans un lien empathique. Ils adaptent d’instinct leur discours à celui de leurs interlocuteurs, de façon à revêtir une identité qui plaira. Ils repèrent ses normes pour établir l’échange sur un mode qui correspondra à ses aspirations. »

Pour l’auteure, notre société est facilitatrice. La séduction est omniprésente. La frontière entre mensonge et réalité est tenue. Une absence de scrupules, une déresponsabilisation accompagnent un changement des valeurs, « on privilégie la voie rapide qui consiste à beaucoup plus avancer par la débrouille que par l’effort, par la triche que le travail. »

Alors, pourquoi acceptons-nous ? « On exalte le management de soi, l’obligation de devenir entrepreneur de soi-même. Cela épuise les individus (…) que ce soit au travail, en famille ou dans la vie sociale, les personnes craignent de ne pas y arriver ou de ne pas être à la hauteur.(…) L’individu moderne est libre et autonome mais il est aussi plus formaté car notre monde est de plus en plus standardisé, normé. »

« Dans notre société narcissique, il n’y a plus de limites aux désirs et donc, il n’y a plus rien à désirer. Tout paraît possible donc tout semble dû. »

Une piste de solution ? « L’individu peut d’autant mieux être manipulé qu’il a le sentiment de jouir de cette liberté. Il devra donc être particulièrement vigilant, non pour se méfier de tout et de tout le monde, mais pour s’interroger sur les limites de ce qui lui paraît acceptable. Qu’est-ce qui lui convient, qu’est-ce qu’il refuse ?

Une entreprise, une marque qui aiderait ses clients à identifier leurs propres limites, gagnerait-elle en confiance ? Danielle Rapoport, dans un précédent billet nous indiquait, « Les marques qui sauront donner de la puissance aux gens, en les aidant à se construire eux-mêmes, gagneront un important capital de confiance.« 

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2 Commentaires à Confiance et techniques d’engagement, appelées aussi techniques de manipulation

  • Maj Majest dit :

    Bonjour,
    En effet, une des clefs est la définition même de l’Être (physique ou moral) et de ce qu’il se donne comme limites, objectifs, destinations, chemins, etc.
    Il n’y a de manipulateur que parce qu’il existe des manipulés (ou manipulables). Il n’existe de maîtres que parce qu’il existe des élèves et des disciples, il n’existe de tyrans que parce qu’il existe des victimes.
    Tout au moins dans l’absolu.
    Tous ces traités, ouvrages, sont intéressants et passionnants.
    À quelle question répondent-ils ?
    Répondent-ils réellement à des questions ?
    Où veut-on nous emmener ? 🙂

    Que cherchons-nous ?
    Où allons-nous ?

    Individuellement. Collectivement…

    Avec toute mon attention,

    Maj

    • Petrel dit :

      Merci de votre commentaire
      Un manipulateur va s’appuyer sur une faiblesse perçue de son interlocuteur. S’il n’y a pas relation, il n’y a pas possibilité de manipuler. Donc qui dit tyran dit tyrannisé.
      En revanche, au regard des dégâts que ce type d’attitude peut provoquer, il me paraît intéressant de trouver des ouvrages qui expliquent les mécanismes de fonctionnement de ce type de situation.
      Ils peuvent permettre d’éveiller ceux qui souhaitent s’interroger sur d’éventuelles faiblesses.
      A chacun ensuite de chercher les moyens qui lui semblent les plus appropriés pour les régler ou tout au moins les explorer, en évitant d’ailleurs de tomber sur un manipulateur.

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