Vente relationnelle, vente transactionnelle : où situer le curseur ?

Publié par Petrel le 09 décembre 2012
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La confiance différenciante (trust diraient les anglophones) nait de la relation. Le socle préalable est la confiance normative (confidence) : « il est normal que l’entreprise fasse à mon égard telle ou telle chose ». Quels sont alors les impacts de la vente transactionnelle, du chiffre recherché immédiatement quelles que soient les conséquences à long terme, et de la vente relationnelle, c’est-à-dire la construction et le maintien à long terme de relations d’affaires avec des clients ? Eric Julienne, maître de conférences à l’Université d’Evry-Val-d’Essonne, responsable du cours Key Account Management à l’Université Paris-Dauphine et membre du Center for Customer Management (C|CM) nous partage son point de vue pour « Un art de la confiance ».

« La vente transactionnelle s’intéresse au court terme et vise un seul objectif : conclure rapidement la vente, sans se préoccuper de ce qui pourra se passer après. Cette pression du court terme pose rapidement la question de l’éthique et des procédés auxquels le vendeur va recourir pour parvenir à ses fins. Tous les moyens risquent d’être mobilisés pour pousser le client à réaliser l’achat. Accrocher le client (comme un poisson qui mord à l’hameçon), créer un sentiment de rareté du produit, jouer sur les perceptions, mettre un « pied dans la porte », utiliser la séduction, mentir, faire pression… Toutes ces manœuvres sont abondamment décrites dans la littérature académique et dans les manuels de vente

Brute ou bon, méchant ou gentil ?

« Ce qui est important pour le vendeur relationnel, ce n’est pas uniquement la vente d’un bien ou d’un service à court terme, mais l’ensemble des revenus qui vont être générés par le client pendant toute la durée de vie de la relation. Le vendeur relationnel est « orienté client », c’est-à-dire qu’il cherche d’abord et avant tout la satisfaction de son client avant de se préoccuper de ses propres intérêts. Il est bienveillant, et son client a confiance en lui. Or la confiance est le fondement de toutes les relations durables. Le vendeur relationnel n’hésite pas à conseiller son client, à lui dire avec honnêteté que tel bien ou service ne correspond pas réellement à ses besoins, à renoncer à une transaction à court terme pour préserver la relation à long terme. Le vendeur relationnel ne ment pas, ne triche pas. Son comportement est éthique. Il connaît probablement moins bien les trucs, astuces et autres manœuvres enseignés habituellement dans les livres de vente, mais son comportement inspire tout simplement davantage de confiance, et c’est pour cela qu’il peut tout autant et même davantage susciter l’adhésion de ses clients. »

Pourquoi le curseur entre vente transactionnelle et vente relationnelle va bouger ?

Pour Eric Julienne, le rôle des commerciaux tel qu’il est attendu par l’organisation va donner une première indication. « Si la direction estime que la valeur ajoutée par les commerciaux est faible. Ils seront alors de simples pousseurs de produits, d’où une vente transactionnelle plus marquée. À l’opposé, les responsables d’entreprises pourront estimer que les vendeurs ont une forte contribution à la création de valeur, parce que leur capacité à écouter les besoins des clients, à leur proposer des solutions appropriées, voire personnalisées, participent de leur satisfaction à long terme et à la mise en place d’un dialogue avec eux, la vente relationnelle sera plus présente. »

La pression du marché sur les prix de vente, la nature des produits et services vendus, l’agenda intrinsèque des produits et services pour le client (besoin régulier, besoin spot) pourront aussi modifier le rôle des commerciaux et donc leur façon de vendre.

Il en est de même du niveau d’orientation client de l’entreprise et de sa cohérence : « par exemple, à quoi servirait-il de pratiquer une vente relationnelle s’il n’existe pas de service de traitement des réclamations digne de ce nom ? Faut-il espérer des comportements éthiques de la part des vendeurs si les plans de formation n’intègrent pas cette dimension ? La cohérence se situe également au niveau des modes de rémunération des commerciaux. Un système variable faisant la part belle aux commissions sur chiffre d’affaires privilégie les comportements transactionnels, alors qu’une part plus importante de fixe permet aux commerciaux de situer leur action dans la durée. La cohérence concerne également l’image de marque que l’entreprise souhaite donner à ses clients : est-elle soucieuse d’apparaître comme une marque responsable, respectueuse  de ses clients ? La cohérence, enfin, a trait à la qualité de l’expérience d’achat que l’on veut laisser au client. Le souvenir d’un contact agréable avec un vendeur à l’écoute, sachant conseiller sur le choix du produit, prêt même parfois à déconseiller l’achat lorsque le produit ne convient pas, laisse au client la mémoire d’une expérience positive, renforce sa confiance, et l’incite à poursuivre la relation. »

Vendeurs « chasseurs » ou vendeurs « éleveurs »

La distinction entre des vendeurs en registre de « chasseurs » des vendeurs en registre d’« éleveurs » va pouvoir varier selon le cycle de la relation client : « chasseurs » pour amorcer le cycle de la relation, puis « éleveurs » pour la cultiver. Il en est de même dans un entretien : « Les étapes de prise de contact et de découverte des besoins du client sont par excellence des phases relationnelles caractérisées par l’écoute du client et la compréhension de ses motivations d’achat. Les étapes d’argumentation et de traitement des objections sont plus équilibrées, car s’il faut continuer à écouter le client, il est également nécessaire de l’influencer pour le convaincre. La phase de conclusion est probablement la plus transactionnelle, puisqu’elle est le moment de concrétisation de la vente : la capacité du vendeur à finaliser son action est décisive. Enfin, la prise de congé permet de préparer la relation future : un prochain rendez-vous, un prochain point téléphonique pour vérifier que le client est satisfait… », explique Eric Julienne.

Ce dernier conclut : « La contribution des vendeurs à la chaîne de valeur de la firme, leur place dans le dispositif de relation client, les éléments d’image de marque, le secteur d’activité de la firme, sont autant d’éléments qui doivent alimenter la réflexion. Il restera ensuite à recruter les profils adéquats, mettre en place un système de stimulation approprié, envisager les formations ad hoc, et diffuser les valeurs éthiques de la firme. »

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